Depuis plusieurs mois et pour encore quelques semaines, les jeunes socialistes vivent le neuvième congrès de leur organisation autonome. Pour la première fois, le début d’un congrès du Mouvement des Jeunes Socialistes aura rassemblé l’organisation toute entière sur la question de son propre devenir : le MJS tel qu’il existe aujourd’hui ne peut plus répondre aux défis qui s’annoncent. L’heure de sa mutation est venue. Si nous le pensons depuis longtemps, les évènements de ces derniers mois n’ont pu que faire apparaitre un mouvement à bout de souffle, et le début de ce congrès en est l’illustration.
Comment effectivement ne pas faire le même constat ? Notre organisation manque de grands combats rassembleurs et audibles, le faible nombre de nos adhérents nous désarme, notre fonctionnement nous paralyse et remet souvent en cause les conditions indispensables de notre vivre ensemble. Si nous n’agissons pas, ce congrès pourrait être le dernier de notre organisation.
Faudrait-il s’y résigner ? Ou encore s’en réjouir ? Non. Plus que jamais, nous pensons qu’une organisation de jeunes socialistes est une nécessité pour donner à tous ces jeunes qui nous attendent la capacité de croire et de construire un autre avenir. Nous croyons plus que jamais en la possibilité d’une organisation ouverte, pluraliste, activiste, qui assume sa diversité et tienne un rôle majeur dans la famille des progressistes. Bref, d’un MJS qui retrouve en lui-même la capacité qu’il a toujours eu d’être présent lors d’un grand rendez-vous, celui de faire gagner la gauche en 2012.
Si cette situation n’est pas le fruit du hasard, l’heure n’est pas – nous semble-t-il – à une confrontation dure et sans issue des uns contre les autres, sur des procès en responsabilités et en anti-rénovation. L’affirmation d’une rénovation nous est commune, mais elle peut pas suffire. Personne n’en sortirait grandi, les postures se caricatureraient et toutes les avancées possibles pourraient être balayées d’un revers de main ; renvoyant à jamais cette occasion historique. C’est donc par notre responsabilité collective, notre créativité et nos ressources les plus profondes que nous trouverons les moyens de créer ce nouveau Mouvement que nous appelons tous de nos vœux. Nous y croyons, à la condition que nous y parvenions ensemble, dans la franchise, sans a priori ni stigmatisation, en mouvement, pour le Mouvement.
Laurianne Deniaud s’est exprimée il y a quelques jours sur son blog. Nous saluons sa démarche de transparence. Connaissant sa volonté de refondation, nous voulons croire en sa sincérité. C’est pourquoi, aujourd’hui, en toute franchise, nous lui disons « chiche ? ».
Oui, nous partageons la nécessité d’un MJS fonctionnant en réseaux, et nous pensons que la création de relais et d’une coordination de l’action des jeunes socialistes dans les lycées, les facultés et les entreprises où ils travaillent est une bonne chose pour l’organisation. Nous devrons nous y engager pleinement et l’assumer. Oui, une procédure d’adhésion facilitée et notamment via internet est le passage indispensable à la formation d’une organisation de masse. Mais elle ne sera profitable à l’organisation que si elle se met en place dans un esprit de rigueur, de transparence et de sincérité. Oui, l’élaboration d’outils de communication interne et externe pertinents et efficaces est la condition d’une organisation fédératrice de tous les jeunes socialistes, où chacun aura la parole.
Mais, si ces éléments vont dans la bonne direction, si nous ne pouvons que les partager, la conviction que nous y mettrons ne comblera pas l’ambition qui pourrait nous manquer dans leur réalisation. Si elles annoncent la volonté d’une organisation en mouvement, ces propositions ne suffisent pas, selon nous, à être à la hauteur des enjeux et des défis de demain. C’est pourquoi nous formulons aujourd’hui des propositions. La première d’entre elles et de créer les conditions d’un Mouvement des Jeunes Socialistes qui pèse fortement dans la société.
Aujourd’hui peut-être plus qu’hier, nous ne pouvons nous résigner à voir cette société créer toujours plus d’exclus. Le premier combat des socialistes est la justice, et donc la lutte contre les inégalités et contre l’exclusion. C’est ce combat que nous devons mener. C’est celui-là qui doit nous permettre de fédérer. Il doit être le prisme de notre action.
Notre bataille commune, c’est d’abord lutter contre l’exclusion sociale. Notre révolte aujourd’hui, c’est le nombre croissant de sans-abris, de marginalisés, d’ignorés, de tous ces oubliés de la République. Notre révolte, c’est celle de la précarité de trop de jeunes, et en premier lieu de celles et ceux qui acceptent l’insupportable : conditions de travail inacceptables, prostitution étudiante, etc. Notre bataille, c’est aussi celle contre l’exclusion économique. Nous ne supportons plus cette société capitaliste, à cette société d’héritier, qui laisse une minorité de rentiers s’attribuer des super bonus quand d’autres devront se contenter toute leur vie de commencer leur fin de mois dès la première semaine. C’est parce que cela nous indigne que nous voulons que des éléments de radicalité soient mis en place. C’est aussi combattre l’exclusion scolaire, lorsque chaque année des dizaines de milliers de jeunes quittent le milieu éducatif sans diplôme. Ce sont aussi les exclusions sanitaires, rendant inacceptable que des gens puissent se voir refuser un accès aux soins sur simple critère financier. Au même titre que les conditions carcérales mettent aujourd’hui en péril notre pacte républicain. Enfin, nous ne supportons plus de voir ces hommes et ces femmes mourir sur des barbelés aux portes de nos frontières ou s’entasser dans des camps improvisés. Notre combat doit donc être auprès des exclus de la démocratie, du progrès et du développement, partout dans le monde. Vingt ans après la chute du mur de Berlin, faisons tomber le mur Nord/Sud, abolissons l’Europe forteresse et combattons toutes les dictatures. Dans toutes ces batailles, nos valeurs et nos idéaux sont concernés.
Si ces combats sont indispensables, s’ils sont fédérateurs, nous n’avons jamais véritablement su les porter, au-delà des motions, contributions, résolutions et autres déclarations… reléguant le plus souvent le débat de fond au profit des postures claniques des uns et des autres. Et chacun doit en prendre sa part de responsabilités. Une véritable réflexion de l’organisation, sérieuse, rigoureuse et sans démagogie ni simplisme, semble aujourd’hui s’imposer sur ces thématiques comme sur les autres. L’organisation d’évènements nationaux décentralisés doit être la pierre angulaire d’une telle démarche. L’édition d’un livre diffusé et promu par l’organisation pourrait être envisageable.
S’engager dans une organisation de jeunesse, c’est lui donner du sens. C’est jamais se satisfaire de soi-même ou des acquis du passé. Militer quand on est jeune socialiste, c’est faire vivre et entendre son indignation, c’est lui donner du poids. C’est être audible, proposer des solutions et exiger des décisions. Bref, c’est peser dans la société et l’opinion publique. C’est tutoyer l’histoire.
Nous souhaitons donc que l’organisation mène campagne sur ces différents combats. Mais nous ne pouvons plus nous satisfaire de n’être qu’une machine à tracts et à communiqués. Pour autant, envisager des nouveaux modes d’actions n’a de sens que s’ils sont en cohérence avec le combat que nous menons. Ainsi, les combats contre l’exclusion ne sont-ils pas également ceux nos partenaires ? Ne serait-il pas temps d’organiser des évènements nationaux de toute la jeune gauche sur cette thématique, comme sur d’autres ? Ne serait-il pas pertinent de porter ces combats au sein d’ECOSY ou de la IUSY ? N’avons-nous pas aujourd’hui l’occasion historique de faire vivre le débat entre associations, organisations politiques et syndicales ? Et si le MJS devenait un acteur de la « gauche du quotidien » ? Toutes ces questions, nous les posons, et plus que jamais, nous pensons que notre ambition devra dépasser les nombreuses difficultés et les éventuelles traces du passé.
Personne dans notre organisation ne pourrait franchement s’élever contre de telles propositions. Et pourtant aujourd’hui, sommes-nous encore capables de mener ce chantier ? Engager une bataille, c’est d’abord l’incarner. Si nous en appelons à un nouveau Mouvement des Jeunes Socialistes, si nous militons pour une organisation ouverte, pluraliste et activiste, c’est parce que nous pensons que c’est ce dont les jeunes socialistes ont besoin pour incarner ces campagnes. Nous sommes convaincus qu’une organisation ouverte et transparente, qu’un accès libre et facile et qu’un fonctionnement démocratique sont les conditions sine qua non d’une organisation de masse et d’un rassemblement le plus large possible. C’est la condition des victoires de toutes nos « batailles culturelles ». Et c’est en cela que nous en appelons aujourd’hui à un accord unanime et concret sur un nouveau fonctionnement, de nouvelles pratiques et une nouvelle méthode de travail pour l’avenir.
C’est pourquoi aujourd’hui nous sommes prêts à travailler au rassemblement pour faire vivre l’organisation, sur cette base. Mais, puisque l’heure est aux responsabilités et aux engagements, nous en fixons en quelques sortes les conditions. Nous demandons à ce que plusieurs chantiers s’ouvrent. Ils sont les garanties à ce que cette nouvelle machine se lance, si nous le faisons dans les six prochains mois.
1. La mise en place d’une campagne d’opinion
Nous devons rapidement mettre en place une campagne d’opinion qui mette la thématique large de l’exclusion en lumière. Nous devons en faire notre « outil de relance », parce que cette bataille nous paraît essentielle et qu’elle nous permet de s’ouvrir aux autres et d’être audible. Nous proposons notamment que nous sortions du congrès le dimanche avec une campagne forte et fédératrice, que des ponts soient construits avec nos partenaires sur cette campagne et que nous mettions en place l’élaboration d’un livre écrit, promu et diffusé par les militants.
2. Une nouvelle place pour l’adhérent
Nous soutenons depuis longtemps l’adhésion et la réadhésion par internet. C’est la condition d’une organisation de masse et qui sort de l’entre-soi. Mais cela doit s’accompagner d’une véritable réforme de la formation que nous proposons aux adhérents. Plus que des cours magistraux, ce sont des outils d’émancipation que nous devons proposer. Par ailleurs, nous ne pouvons plus nous satisfaire du fonctionnement vertical de nos organigrammes. Quinze ans après l’autonomie politique, le MJS doit proposer l’autonomie militante des fédérations et des adhérents : moyens permettant l’élaboration de campagnes locales, plateforme de coordination des fédérations, possibilité pour chacun de pouvoir créer son groupe local s’il n’existe pas, reconnaissance de la liberté de groupe, etc. Nous pensons plus que jamais que l’échelon local – et notamment régional – est de plus en plus pertinent pour mener des campagnes, et que l’adhérent doit pouvoir y trouver toute sa place.
3. Faire vivre la jeune gauche
Toute le monde revendique la nécessité de faire vivre la jeune gauche. Pourtant, rien (ou presque) ne bouge. Il est grand temps que le MJS prenne toutes ses responsabilités dans la mise en place concrète d’une plateforme de la jeune gauche. Si les difficultés sont réelles, nous ne pouvons s’y résigner. Nous demandons par ailleurs à ce que le MJS soit à l’initiative d’un évènement national annuel (« fête de la jeune gauche ») avec toute la jeune gauche politique, associative et syndicale.
4. Faire campagne à l’étranger
Être militant socialiste ne doit pas se résumer à l’être qu’à l’intérieur de ses propres frontières. Nous demandons à ce que le MJS organise des partenariats avec ses organisations sœurs à l’étranger au-delà d’ECOSY ; pour y envoyer des adhérents mener campagne lors d’élections majeurs y réciproquement, pour faire vivre la jeunesse socialiste européenne, pour y confronter et enrichir nos projets.
5. Créer un média
Nous ne pouvons nous lamenter et nous contenter de notre réel désarmement face à des médias pour la plupart dans la main du pouvoir actuel. Le MJS doit en tirer les conclusions. Parce que nous sommes convaincus que cela pourrait être un outil majeur pour nos batailles, nous proposons à ce que nous soyons à l’initiative de la création d’un nouveau média alternatif dans l’opinion, que nous lui trouvions des financements et que nous en assurions la promotion.
Ces cinq éléments sont quelques unes – mais selon nous les principales – des conditions de notre réussite collective et d’un MJS en reconquête, en particulier pour 2012. Si nous disons « chiche », si nous les posons sur la table publiquement, c’est parce que nous pensons qu’ensemble nous pouvons encore construire cette organisation et que nous sommes convaincus de son fondement. C’est parce que nous l’aimons. Plus que jamais, nous voulons être utiles. Mais nous ne pourrons l’être que si nous avançons tous ensemble, et que si chacun souhaite et peut prendre sa part à ces chantiers.
Les propos que nous tenons, les propositions que nous esquissons n’ont de sens que s’ils se traduisent par des actes, en actes. Si le moment que nous vivons a un aspect historique pour notre organisation, c’est parce qu’il pourrait bien être salvateur. Redonnons du sens à l’engagement. Si nous n’y arrivons pas, l’organisation que nous portons pourrait ne plus avoir de raison d’être.
Par cette démarche, nous voulons montrer notre volonté de rassemblement. Nous voulons fédérer tous ceux qui partagent ces exigences. Si collectivement, nous n’y parvenons pas, nous les porterons par d’autres moyens.
Pour nous contacter : contact@lareleve.eu